Ce documentaire m’a également laissé sur ma faim, malheureusement. La prémisse est pourtant prometteuse : un conglomérat d’avocats veut créer un précédent en soulignant la négligence policière dans une centaine de cas de viol à Meru, au Kenya. Toutefois, le film met moins l’accent sur cette histoire judiciaire que je ne l’aurais souhaité. C’est un récit humain de témoignages crus et dérangeant de jeunes filles et du viol qu’elles ont vécu. C’est très déchirant à entendre et nous cause beaucoup de frustrations envers l’État kenyan.
Andrea Dorfman allie ses talents d’animatrice à sa passion du documentaire en proposant de jolies scènes d’animation qui dynamise le film. Les jeunes filles de Meru explorent divers problématiques, mais n’en approfondit pas assez au final. Le résultat est un film qui veut nous inciter à nous renseigner sur les violences à caractère sexuel, mais qui ne nous en apprend bien peu, tristement.
Ce film nous donne véritablement le tournis. Bien peu seraient prêts à s’impliquer autant dans une cause que la poète, comédienne et militante innue Natasha Kanapé Fontaine. Présentant successivement entrevues, conférences, tournages, voyages et activités militante, on est essoufflé par la réalité que vit l’une des porte-étendards de la communauté innue. Ce qui frappe également, c’est le message qu’elle porte : plutôt que d’opter une revendication violente, c’est un désir d’écoute et d’échange culturel qui est proposé. C’est un cri pour une éventuelle ouverture à la culture autochtone et un syncrétisme des cultures.
Le rapport à la langue joue dans ce film un rôle primordial. Si l’on se battait aussi ardemment pour la protection de l’Innu (ou de tout autre langue autochtone) qu’on le fait pour le français, elle ne serait assurément pas en voie d’extinction comme elle l’est présentement. Tout se ramène à l’inertie gouvernementale qui fait tomber dans l’oubli ses luttes par leur lenteur à agir. C’est un documentaire très intéressant et un portrait splendide de la militante avec qui on s’était entretenu au Touski le 12 mars dernier.
La crise migratoire est d’actualité depuis plusieurs années, mais vue de France, cette problématique s’amalgame avec celle du racisme systémique dont on entend de plus en plus parler depuis quelques mois. Paris Stalingrad, c’est un documentaire qui tente moins de problématiser son sujet que de l’illustrer, tout simplement. Ce n’est pas du cinéma-direct, mais ça s’en approche, à tout le moins.
Le film met en image divers campements de fortune érigés par des réfugiés près de la station de métro Stalingrad et, plus important encore, leur destruction par les autorités françaises. Il raconte également l’enfer bureaucratique dans lequel les demandeurs d’asile sont plongés. Le film m’a beaucoup fait réfléchir à la notion de frontières et à la fermeture qu’ont certains gouvernements envers les immigrants. Il est un pas dans la bonne direction pour faire avancer le débat sur la crise migratoire, et nous invite à penser différemment le problème. Et si on s’interrogeait sur les causes qui poussent des milliers de personnes à fuir leur pays d’origine et sur les actions à prendre pour régler les conflits politiques dans ces pays plutôt que de déplorer le fait qu’ils viennent se réfugier chez les pays industrialisés?
Ce documentaire propose un regard intéressant sur la diplomatie au 21e siècle en étudiant la non-participation du Canada à la guerre en Irak, instiguée par les États-Unis. La force du documentaire réside dans l’absence de filtre des intervenants. Ainsi, des acteurs de l’administration Chrétien nous en apprend un peu plus sur le jeu de coulisse qui s’est déroulé à l’ONU et avec l’administration Bush lors d’un moment critique de l’histoire récente. Le documentaire propose une bonne lecture de la géopolitique de la guerre froide au tournant du millénaire, et en apprendra plus au néophyte qu’à l’étudiant en politique appliquée.
C’est d’ailleurs un reproche qu’on pourrait apporter au documentaire. Il passe trop de temps à mettre la table, et pas assez à approfondir la notion de diplomatie et ses répercussions. Il réussit très bien à nous faire comprendre la place du Canada sur l’échiquier mondial et ce que le refus du Canada à participer à la guerre en Irak a représenté à l’époque. Par contre, il passe trop peu de temps à explorer les répercussions de ce refus. Comme visionnement complémentaire (et un peu plus léger), nous vous suggérons l’écoute du film Vice d’Adam McKay, cette comédie biographique sur la vie de Dick Cheney.
La grande réalisatrice et artiste Agnès Varda, qui a marqué le cinéma français et du monde au cours de sa longue et prolifique carrière, nous a quitté il y a un peu plus d’un an. Son dernier film, Agnès par Varda, est moins une œuvre-testament qu’un regard critique et introspectif de son œuvre. Construit un peu comme une classe des maîtres, le documentaire présente quasi-chronologiquement les différentes phases de la vie de la réalisatrice de la Nouvelle Vague : ses collaborations avec divers grands artistes (Godard, Warhol, De Niro, etc.), sa relation avec Jacques Demy, son passage vers le numérique et l’art visuel, et enfin sa vieillesse. C’est dans cette dernière thématique que le documentaire prend tout son sens.
Le film m’a beaucoup fait penser au documentaire Le cri du rhinocéros de Marc Labrèche, dans lequel l’acteur s’entretenait avec différents artistes sur la continuelle quête de leur pertinence plus ils vieillissent. Varda aborde la même question, et démontre comment, à un moment de sa vie, elle s’est détournée du cinéma pour se consacrer aux arts visuels. Alors que plusieurs réalisateurs âgés auraient regardé avec nostalgie les vieilles bobines désuètes de leurs films prendre la poussière dans les cinémathèques, Varda a décidé de les recycler en construisant des cabanes. Loin d’être nostalgique, la réalisatrice nous montre à quel point l’art est en évolution constante, et nous prouve qu’elle sait se réinventer pour demeurer pertinente à toute époque. Varda par Agnès, c’est un très grand film. Probablement le meilleur de toute la programmation.
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Paru le mercredi 24 juin 2020