L’affaire Mamadi III Fara Camara

Par Éloïse Cabral

Montréal a récemment été le théâtre d’attaques violentes envers des policiers de la ville. Un des dossiers qui s’est retrouvé devant le palais de justice est celui de Mamadi III Fara Camara, ce chargé de laboratoire de l’école Polytechnique, sans aucun passé criminel, qui avait été accusé de tentative de meurtre sur un policier du SPVM. Mercredi passé, les charges sont tombées, par manque de preuves.

Le 28 janvier dernier, M. Camara a été intercepté par un policier pour manipulation de son cellulaire au volant. En retournant à son véhicule, ce dernier a été attaqué par-derrière avec un bâton de métal et frappé à répétition. La suite des évènements n’est pas claire, mais l’agresseur s’est retrouvé avec l’arme de service du policier et a tenté de l’atteindre par deux fois alors que ce dernier s’enfuyait.

Une fois réfugié chez un couple après une poursuite à la course, l’agent de la paix a averti ses collègues et leur a indiqué que son principal suspect était le dernier automobiliste qu’il avait intercepté.

Mamadi III Fara Camara a donc été détenu pendant plusieurs jours en attente de son procès pour remise en liberté. Évidemment, le suspect clamait son innocence depuis sa mise en accusation, mais ce n’est qu’après un second visionnement du vidéo capté par une caméra du ministère des Transports, 6 jours après le premier visionnement, que les enquêteurs ont réalisé que M. Camara n’était plus le seul suspect. Durant ce second visionnement, on a remarqué qu’il y avait une voiture qui passait lentement sur les lieux lors de l’interaction entre M. Camara et le policier. Un individu en serait même sorti peu après. Des détails qu’on n’aurait pas remarqués dès le premier visionnement.

Enfin, il faut également mentionner que l’arme du crime n’a toujours pas été retrouvée, que M. Camara avait lui-même alerté la police de l’attaque — cet évènement ayant été perçu comme une tentative de brouiller les pistes — et que l’identification du suspect ne s’est basée que sur une reconnaissance visuelle, et non sur des tests d’ADN ou des empreintes digitales. Comme le rappelle l’avocat criminaliste Hugo d’Astous, la plupart des erreurs judiciaires sont liées à ce type d’identification.

Quand la police se met la tête dans le sable
Comble du syndrome de l’autruche : on a appris en début de semaine qu’un témoin visuel, M. Juan Angel Flores a également fait une déposition le soir des évènements, affirmant que M. Camara était dans sa voiture alors que le policier se faisait attaquer. Il aurait même parlé à ce dernier afin de savoir s’il connaissait l’homme qui poursuivait alors le policier.

Le dossier a créé beaucoup d’émoi, entre autres chez les représentants politiques, notamment la cheffe du PLQ Mme Dominique Anglade, la mairesse de Montréal Valérie Plante et Justin Trudeau, qui réclament une enquête indépendante.

Enfin, la Ligue des Noirs a dénoncé l’arrestation de M. Camara comme une preuve de plus du racisme et de la discrimination systémiques présents au Québec.

Les résultats de tests d’ADN et d’empreintes digitales ont également été annoncés, confirmant l’innocence de M. Camara. Des excuses publiques ont été formulées par le chef du SPVM, lesquelles ont été acceptées par M. Camara.

Des recours possibles
Ce dernier est toujours en réflexion quant au dépôt d’une poursuite au civil envers le SPVM. La nouvelle avocate de M. Camara, Me Virginie Dufresne-Lemire, qui a remplacé Me Cédric Materne, estime toutefois que ces excuses ne sont pas suffisantes.

Selon les informations disponibles quand l’affaire a pris de l’ampleur médiatique, plusieurs éléments pointaient effectivement vers la culpabilité de M. Camara. Le doute s’est réellement installé suite à ce nouveau visionnement du vidéo de l’incident. Qu’en aurait-il été du sort de cet homme sans ce dernier ? Pourquoi a-t-on autant tardé à le revisionner et à informer le public de la déposition de M. Flores ?

C’est presque comme si le SPVM avait trouvé une réponse toute faite, simple et presque crédible à une agression violente et s’y était attaché, malgré que tous les indices étaient là pour prouver l’innocence de M. Camara.

En plus d’une sérieuse séance d’introspection sur la pertinence du principe de la présomption d’innocence, le SPVM devra certainement faire la lumière sur les raisons de ce manque d’observation, de transparence et potentiellement sur les biais cognitifs de ses agents.

Paru le samedi 13 février 2021

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