Les GAFAM dans la ligne de mire de l’Australie

Par Éloïse Cabral

Un des enjeux qui occupe de plus en plus de place dans les assemblées législatives est celui du rôle des géants du Web — les GAFAM, composé de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft — dans nos sociétés. Ces compagnies présentent des caractéristiques qui les rendent difficiles à encadrer législativement : elles sont devenues tellement puissantes qu’elles sont quasi indispensables dans notre quotidien, elles dictent en partie les règles du jeu du Web, elles s’accaparent la majorité des revenus provenant de la présence en ligne, elles accumulent des données d’utilisateurs, ce qui pose, entre autres, un problème éthique… la liste est encore plus longue. Le modèle d’affaires et les technologies progressant à un rythme effréné, les institutions législatives peinent à réglementer leurs pratiques.

Une initiative attendue par des médias éprouvés
Récemment, l’Australie s’est embarquée dans un projet de loi pour tenter de contrebalancer la perte de revenus des médias australiens. Essentiellement, cette loi ferait en sorte que, par un mécanisme institutionnalisé de négociation, les compagnies Web paieraient un montant convenu pour pouvoir afficher le contenu publié par les médias d’information.

Dans plusieurs pays dont le Canada, les médias traditionnels peinent à se maintenir. Cela est notamment dû aux pertes de revenus publicitaires, le modèle d’affaire des médias étant basé sur ces derniers. Les médias « louent » de l’espace publicitaire, ce qui leur permet de poursuivre leurs activités de journalisme. Plus un journal est lu, plus un espace publicitaire vaut cher.

Les GAFAM et les médias locaux
Avec la montée des géants du Web, les revenus des médias ont suivi une chute drastique, si bien que pour chaque tranche de 100$ de publicité dépensée par toute entité souhaitant se promouvoir, 53$ vont à Google, 28$ vont à Facebook et 19$ sont alloués à toutes les autres plateformes où il est possible de faire de la promotion, dont les journaux, les chaînes télévisées, les radios, etc.

En bref, si les médias traditionnels pouvaient autrefois se soutenir financièrement grâce aux revenus publicitaires, ces revenus ne sont toutefois plus suffisants pour assurer la survie des médias d’information. Les grands perdants sont, comme toujours, les petites boîtes indépendantes.

Or, le journalisme et l’accès à de l’information variée et de qualité assure la santé des démocraties. C’est d’ailleurs l’un des arguments principaux évoqués par le gouvernement australien pour justifier le projet de loi proposé.

L’idée de demander une compensation aux géants du Web pour la perte des revenus publicitaires se défend par les médias selon l’argument que Google, notamment, profite monétairement des nouvelles et des analyses créées par les médias. Si les utilisateurs de Google ne pouvaient avoir accès aux informations fournies par les médias, ils trouveraient sans doute ce site beaucoup moins utile. À titre d’exemple, un rapport de l’Institut Reuters a trouvé que 40% des Australiens utilisaient Facebook pour s’informer des nouvelles entre 2018 et 2020. C’est donc dire qu’une bonne partie du trafic sur la plateforme est générée par des utilisateurs désirant simplement s’informer, et que ces derniers, étant exposés aux publicités payées sur Facebook, génèrent données personnelles et revenus, aucune ne profitant aux réels créateurs de contenu — les médias d’information.

Une réception hostile
Pour l’instant, le projet de loi australien a été adopté à la chambre basse et devra être approuvé par le Sénat pour entrer en vigueur. Entre-temps, les négociations entre les parties intéressées sont en cours. Bien qu’il y ait une certaine accalmie depuis quelques jours, à l’annonce du projet de loi, Google a menacé le gouvernement australien de bloquer l’accès à son moteur de recherche à l’ensemble du pays, tandis que Facebook, de son côté, a carrément bloqué l’affichage et l’option « partage » du contenu des médias australiens à ses utilisateurs. C’est donc dire qu’un beau matin, les Australiens se sont levés pour constater l’absence de contenu journalistique sur leur fil d’actualités. Depuis, la situation s’est rétablie, des excuses ont été adressées au gouvernement australien, mais les discussions sont encore en cours.

La fermeté du gouvernement australien a été saluée par plusieurs pays, dont le Canada et la France, qui ont ou qui souhaitent eux aussi mieux encadrer la pratique des GAFAM. La communauté européenne et la Grande-Bretagne s’intéressent également à la question. L’initiative australienne pourrait créer un important précédent qui aurait le potentiel de modifier fondamentalement la relation entre les plateformes en ligne et les médias d’information. Il s’agit d’une situation inédite qui pourrait réellement donner du vent dans les voiles pour d’autres initiatives à travers le monde.

Crédit photo : Robert Cianflone/Getty Images

Paru le vendredi 26 février 2021

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