Violence domestique et féminicides

Par Éloïse Cabral

Cette semaine je me permets un article plus opiniâtré. Comme beaucoup de personnes au Québec, je m’indigne devant ces meurtres de femmes par leur conjoint ou ex-conjoint. Depuis le début de la pandémie, sept féminicides ont été commis sur le seul territoire du Québec, et encore faut-il se rappeler la situation sociale privilégiée qu’on vit ici. Dans les pays où les sujets de la violence domestique, des violences sexuelles, des crimes d’honneur et de la règlementation de la sphère privée demeurent tabous, où le filet social et les ressources alternatives et initiatives communautaires demeurent chroniquement sous-financées, la situation est bien pire. 

Je m’indigne évidemment devant les effets pervers de cette pandémie qui s’étire, qui confine les personnes à leur domicile, les abandonnant à la précarité financière, à l’isolement, à la vulnérabilité des difficultés qui viennent avec les portes closes. Comprenez-moi bien, je ne suis aucunement contre les mesures sanitaires—je me sens seulement un peu désemparée devant tout ce que la pandémie a exacerbé.

Je m’indigne du manque de ressources et de financement de projets du gouvernementquébécois, certes. Mais je crois qu’il est facile de pointer les autorités et les failles du système censé protéger les personnes vulnérables en oubliant de se regarder soi-même.

Tiens, ressortons un terme bien en vogue ces temps-ci : racisme systémique. Un terme qui désigne la reproduction de mécanismes, de comportements et d’attitudes discriminatoires à l’intérieur du système, de sorte que le racisme soit carrément institutionnalisé, présent dans nos institutions, non seulement dans les biais cognitifs de nos représentants, mais également dans la manière dont les décisions sont prises, dans la manière dont les politiques sont appliquées, dans la manière dont sont conçus nos systèmes de santé, d’éducation, de justice, etc.

Je reprends le concept de systémisme et j’y accole la notion des sexes et des genres. Se peut-il que le sexisme (discrimination basée sur le sexe ou le genre d’une personne) soit systémique?

Se peut-il que nos gouvernements, nos élus (environ 70% d’hommes au palier fédéral et environ 55% au palier provincial) reproduisent des comportements sexistes, adoptent des politiques sexistes ou maintiennent des systèmes et des mécanismes qui vont à l’encontre de l’atteinte de l’égalité des genres?

Premièrement, je souhaiterais bien faire la distinction entre «sexe» et «genre». Alors que le sexe est basé sur les attributs biologiques d’une personne, le genre est socialement construit. En fait, dans l’absolu, le masculin et le féminin n’existent que parce que les humains les ont créés. Au fil du temps, de l’histoire, selon la culture, la religion, la distribution des tâches et des rôles, les sociétés ont construit ce qu’ils perçoivent être le genre «masculin» et le genre «féminin».

Et le lien entre féminicides et les questions de genre ?

Voilà, j’y arrive. Si le genre est quelque chose qui se construit avec le temps, par les acteurs qui adhèrent à la vision de ce qu’est être «masculin» et ce qu’est être «féminin», alors cela veut dire qu’on a tous, à l’échelle de sa petite personne, le pouvoir de répondre à la problématique des féminicides et de la violence faite aux femmes.

Je m’explique. Il a été démontré maintes et maintes fois que le genre est une notion qui s’acquiert dès le plus jeune âge, souvent par l’attitude que les parents adoptent lorsqu’ils ont une petite fille ou un petit garçon. Cela passe par les aspects moins subtils comme le choix des jouets qu’on offre à ses enfants (le classique poupées roses pour les filles, voiturettes et fusils pour les garçons), mais aussi par des aspects plus insidieux comme les comportements qu’on encourage, inconsciemment, chez les enfants. Par exemple, on encourage la sagesse, le calme et la gentillesse chez les filles. Elles sont socialisées à paraître bien, à être serviables et à se faire aimables. Les garçons sont socialisés à être ambitieux, actifs, courageux, vaillants.

Ma réflexion — et le fruit de mon indignation — porte en fait sur le rôle que cette attribution des genres a sur la propension des hommes à être violents envers les femmes. Et la propension des gouvernements à ignorer (au sens d’être insensibles) les causes sous-jacentes de cette marée sanglante, de ces vagues de violence chronique qui touchent majoritairement les femmes, dans tellement de sphères de leur vie.

Je conclus donc que la solution à la violence de tous types envers les femmes se trouve en chacun de nous. Dans notre devoir de comprendre nos biais cognitifs, de comprendre le rôle que nous possédons dans le changement lent du paradigme des genres actuels. Regardons-nous et questionnons-nous.

Pour ceux qui voudraient approfondir leur compréhension des rôles de genres et de la socialisation sexiste, voici deux vidéos pertinentes :

Qu’est-ce que la socialisation sexiste?
par YWCA de Montréal

Une éducation non sexiste, c’est possible?
par Les Haut-Parleurs

Crédit photo : Reuters / Regis Duvignau

Paru le jeudi 1 avril 2021

MERCI À NOS PARTENAIRES

2500 boul. Université, E1-1010
Sherbrooke J1K 2R1
(819) 821-8000 #62693
La station s’adresse à la communauté universitaire fréquentant l’Université de Sherbrooke, mais est aussi la référence musicale pour les mélomanes du grand Sherbrooke dont le plaisir est d’écouter une diversité musicale que seul CFAK peut leur proposer

En ondes